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Saturday, 11 December 2010

L'Iran vecu par une touriste a la peau foncee

Salam,

L'Iran - que de choses a dire. Le seul pays ou je n'ai pas bien dormi pendant un mois car je n'arrivais pas a liberer mon esprit de ce que je vivais et voyais pendant la journee. Avec du recul, rien de quoi vraiment empecher de dormir mais pourtant sur le moment, mon cote sensible a pris le dessus. C'etait aussi un pays ou nous avions beaucoup d'attentes car de nombreux touristes nous en avaient parle tres positivement. Je n'ai malheureusement pas retrouve l'enthousiasme auquel je m'attendais de par mon inconfort dans la societe iranienne. Mais cela reste un pays qui merite d'etre visite, au moins pour enlever les prejuges que la societe occidentale peut avoir.

D'abord, pour etre clair, le port du "chador" (qui veut dire tente en farsi - cela porte bien son nom!) n'est absolument pas obligatoire en Iran. Seul le port du "hejab" l'est. Le hejab consiste a se couvrir les cheveux, soit par un "maqna'e" qui ressemble a la cagoule des religieuses, soit par un foulard, soit par une echarpe qui couvre la plupart du temps que la moitie de la tete. Le "hejab", c'est aussi porter des manches longues et des pantalons longs et pas trop serres. Et couvrir ses fesses! En fait, tout ce qui devrait cacher l'apparence physique de la femme. Donc generalement, les femmes portent un manteau ou des chemises-tuniques ceintrees qui vont jusque sous le dessous des fesses. Les femmes portant le chador sont les plus conservatrices, jusqu'au point de se couvrir la bouche en tenant le chador par les dents si elles ont les mains prises. Elles le portent pour se cacher des hommes bien sur.

Je me souviendrai toujours de la phrase de notre hote a Mashhad, Vali. "She loves it" nous dit-il en parlant de sa femme et du chador. Il est marie a une femme bien plus conservatrice qu'il peut l'etre. Lui va prier quand il a le temps... Ils ont passe 2 ans en Suisse. Vali est un marchand et restorateur de tapis. Il a ouvert en plus chez lui une "guesthouse". Lorsqu'ils vivaient en Suisse, et que Vali s'est mis a serrer la main aux femmes et a sortir dans les bars, sa femme lui a dit que c'etait le temps de rentrer en Iran... pour ne pas risquer un divorce. Apparemment que 80% des couples iraniens qui emigrent finissent par divorcer. Dans les familles conservatrices, les hommes sont au moins 10 ans plus ages que leurs epouses. Il leur faut le temps d'avoir trouve un travail pour subvenir aux besoins de la future famille avant de trouver une femme. Et pour la femme, elle est choisie jeune pour qu'elle ait toute l'energie pour elever les nombreux enfants a venir. Vali ne nous a jamais parle politique ou religion. Recevant regulierement des touristes, il doit aussi etre fortement surveille. Donc il n'aborde pas ces sujets. Par contre, on l'a trouve un matin un peu plus revolte. Il aimerait que ses femmes travaillent (il a 2 enfants, un garcon et une fille, les 2 etudiants a l'universite). Sa femme travaille a la maison puisque c'est elle qui prepare les repas pour les touristes. C'est aussi elle qui gere l'argent. Par contre, elle ne sort jamais faire l'epicerie. Tous les commerces ne sont tenus que par des hommes. Pour ne pas etre en contact avec eux, les femmes conservatrices font faire l'epicerie a l'homme. A Mashhad, c'etait tres commun au point que je n'etais moi-meme pas confortable d'entrer dans un commerce toute seule. Vali ne voudrait pas que sa fille prenne la meme voie. Puisqu'elle etudie a l'universite, il espere que c'est pour ensuite travailler. Les enfants, meme universitaires, demandent de l'argent a leurs parents pour tout et c'est normal de leur en donner.

Nombreux enfants, j'enchaine. Les enfants nes au debut des annees 80 sont extremement nombreux. Debut de la revolution islamique, la contraception etait interdite. Ces enfants ont maintenant 30 ans et il est extremement difficile pour eux de trouver du travail. Trop nombreux. Et une grande partie des postes en Iran est gardee par les Bassidjis. Ces derniers font partie d'une des branches des Gardiens de la Revolution et sont generalement recrutes entre 12 et 20 ans. Ce sont eux qui ont servi de "chair a canon" pendant la guerre Iran-Irak. On retrouve les photos de ces martyrs affichees dans toutes les villes. Cette branche n'a pas ete supprimee a la fin de la guerre, mais sert comme milice en charge de la repression. De nombreux s'engagent car ils reçoivent une aide du gouvernement et peuvent ainsi obtenir des places qui leur sont reservees a l'universite. De meme pour ensuite obtenir un travail. Nous avons rencontre a Tabriz un jeune de 30 ans, maitrise en microbiologie et qui travaille dans un restaurant a defaut de trouver un travail dans son domaine. Il a deja fait partie des Bassidjis, puis y a renonce car il ne se retrouvait pas dans l'ideologie, il aurait pourtant pu avoir un travail plus facilement dans le futur. Et pour lui qui dit pas de travail dit pas de femme pour le moment.

Dans les autobus de ville, les hommes s'asseoient devant dans la 1ere moitie de l'autobus et les femmes montent au milieu pour s'asseoir dans la 2e moitie de l'autobus. Dans les autobus de longue distance, un homme ou une femme voyageant seul ne s'asseoit pas a cote d'une personne de sexe oppose. Cela entraine des rotations de siege tout au long du voyage lorsque de nouveaux passagers montent.

Le pain est cuit a seulement certains moments de la journee, le matin et la fin d'apres-midi la plupart du temps. Il y a donc une file d'attente pour acheter le pain frais. En fait, ce n'est pas une mais 2 lignes d'attente, les hommes d'un cote et les femmes de l'autre.

Les ecoles jusqu'a l'universite sont unisexes. A l'universite, meme si les hommes et les femmes sont ensemble, dans les classes, ils sont assis chacun d'un cote et ne se parlent pas. Des le plus jeune age, dans les parcs par exemple, on apprend aux enfants a ne pas jouer ensemble s'ils ne sont pas du meme sexe. Oceanne a donc vu fuir des petits garcons lorsqu'elle s'approchait d'eux!

Pour en revenir au titre de mon message. Des la 1ere journee en Iran, a Sarakhs, je suis descendue a la reception de l'hotel avec mon foulard sur la tete pour prendre mon petit-dejeuner. Le premier commentaire du gerant fut de me dire que je ressemblais a une Iranienne. Peau bronzee d'accord. Je ne savais pas encore si cela serait positif ou negatif pour moi. Deja en Asie Centrale, on me demandait si je parlais turc. En Iran, on me parle directement en farsi et on est surpris que je ne comprenne pas. On me demande ensuite si je parle turc. Quand je reponds a la question "d'ou viens-tu" que je viens du Canada, on me repond "oui, mais quelles sont tes origines?" Je reponds France et les gens sont deçus... Les plus proches qu'ils aient pu etre, c'est en pensant que je venais d'Espagne. Quelque chose qui a ete consequemment plus difficile a vivre est le fait que ma fille ne me ressemble pas, en tout cas d'apparence, a la couleur encore une fois. Marchant dans la rue, les gens ne manquaient pas de me devisager. Ils regardaient Rupert puis Oceanne et faisaient le lien. Moi, j'etais l'encadreuse iranienne qui ne respectait pas les conventions vestimentaires des Iraniennes. Cyclotouriste, donc la plupart du temps sur mon velo, je n'ai pas voulu investir dans l'achat d'un manteau iranien. Je me contentais donc d'attacher une veste autour de la taille, ce qui pourrait passer inaperçu pour n'importe quel autre touriste ne l'est pas pour une femme a la peau bronzee. Quand Rupert dit que je suis sa femme et Oceanne ma fille, il y a toujours hesitation. Le plus blessant pour moi a ete le jour ou une femme a eclate de rire devant moi, apres avoir regarde Oceanne puis moi, puis d'un air suspicieux a ecoute ma reponse qui etait qu'Oceanne etait bien ma fille. Sensible peut-etre mais j'ai pris cela pour une insulte.

Et cote voyage a proprement dit, apres Sarakhs, nous avons roule quelques jours dans le desert avant d'arriver a Mashhad. Ce fut le temps pour moi de m'habituer a pedaler en manches longues et pantalons. Pas si difficile tout compte fait. Avant d'arriver a Mashhad, alors que nous etions arretes sur le bord de la route pour le lunch, un homme descend de son camion et vient nous voir. Je suis assise avec Oceanne dans les bras et Rupert, couche, faisant un semblant de sieste. L'homme s'approche de moi ne voyant pas tout de suite Rupert et me parle en farsi. Je lui dis que je ne comprends pas. Il s'approche de moi, tres proche, et me fait des clins d'oeil. Je demande a Rupert de s'approcher et il s'interpose entre nous. On pense qu'il veut discuter avec nous, et on donne les reponses habituelle. Cela n'interesse pas l'homme. Rupert lui dit que je suis sa femme et Oceanne ma fille. Il n'a pas l'air de comprendre. L'homme avec qui il se trouvait dans le camion lui dit de venir comprenant que nous sommes des touristes. L'homme repart puis revient sur moi et insiste avec ses clins d'oeil et me fait signe de venir avec lui. Rupert dit non et finalement, il part. Hmmm. Cela fait 3 jours que je suis en Iran. Cela ne m'est JAMAIS arrive dans d'autres pays. Je me convains que cela aurait pu arriver ailleurs, mais fais tout de meme le lien entre cet incident et le fait qu'on m'ait dit que je ressemblais a une Iranienne.

A Mashhad, je n'arrive pas a me sentir moi-meme dans la rue. Je dois apprendre a ne pas croiser le regard d'un homme. Je ne me sens pas libre de courir apres ma fille, de faire des mouvements auxquels je suis habituee. Je me dis que tout est question d'adaptation. En fait, je suis surprise car j'avais dans la tete que me couvrir la tete etait suffisant pour etre respectueuse et le reste se passerait comme partout ailleurs. Mais non, car tout va ensemble. La plupart du temps, on dit bonjour a Rupert et meme a Oceanne, mais pas a moı. Je reste dans l'ombre. Mashhad, tout comme Qom a la reputation d'etre une ville tres conservatrice car ville tres religieuse. Je verrai donc plus tard ailleurs. Un des grands moments a Mashhad, qui d'ailleurs veut dire "lieu de martyr" fut de visiter le sanctuaire (le seul a se trouver en Iran) du 8e Imam des chiites, l'Imam Reza, mort au 9e siecle. C'est un lieu de pelerinage extremement important et c'est une chance pour nous non musulmans de pouvoir le visiter (a condition pour les femmes de porter le chador, une experience en soi). Nous nous sommes presentes a l'heure de la priere et c'etait d'autant plus comble de foule. Atmosphere impressionnante et remplie d'emotion, j'avais mes poils qui se dressaient sur les bras de voir et d'entendre ces gens pleurer la mort de l'Imam. Nous sommes restes a Mashhad plusieurs jours histoire de refaire le plein apres notre traversee rapide du Turkmenistan. De plus, nous avions une histoire d'argent a regler. Visa et Mastercard, symboles du capitalisme, ne sont pas en Iran. Apparemment que les transferts d'argent de l'exterieur vers l'Iran font partie des sanctions economiques. Western Union n'est donc pas la non plus. Nous n'avions pas pu avoir assez d'argent de la banque en Ouzbekistan et au Turkmenistan, nous pouvions seulement en avoir a Ashgabat et nous n'y sommes pas alles. Vali a Mashhad nous a aides, mais ce n'etait pas une histoire simple!

Nous commencions deja a penser a la fin du voyage et c'est pour cela que nous avons choisi la route la plus courte. C'etait aussi la fin du mois d'octobre et la fin de l'automne approchait. Nous nous sommes donc diriges vers la Mer Caspienne. D'abord un petit passage dans les montagnes magnifiques. Les voitures que l'on voit sur la route sont des Paykan, voiture iranienne trop polluante, la compagnie a du arreter il y a quelques annees la production, et des Peugeot. Le modele 405 est le plus populaire, c'est la voiture a prix moyen, meilleur rapport qualite-prix! Les Iraniens ont leurs usines de production. On croise aussi une quantite de jeune Elvis en moto. C'est l'occupation des jeunes dans la vingtaine, a defaut de trouver du travail surement, de se promener dans la campagne a 1, 2 ou 3 sur la moto. Ils ont les hormones dans le plafond. Une femme en velo, jamais vu en vrai. C'est apparemment interdit en Iran, probablement trop provocateur, mais pourtant, on ne m'a jamais rien dit meme si j'ai souvent croise la police. Les hormones dans le plafond, oui. Ne jamais pouvoir etre en contact avec les femmes a ses consequences. Meme une femme en pantalons larges, les fesses couvertes, d'accord en position legerement allongee, les interesse. C'est comme ca que je me suis fait harceler une 2e fois sur la route. Un homme nous a suivi presque une journee complete et ce plaisait a passer devant moi pour me prendre en photo. Une famille en voiture passait par la, s'est arrete pour nous offrir the et biscuits. On a pu lui raconter ce qui se passait. L'homme nous a laisse tranquille pour quelques heures pour nous retrouver une derniere fois avec une femme en arriere de sa moto pour nous montrer qu'il ne nous voulait pas de mal... 2e fois mais pas de 3e fois, je n'en voulais pas ou alors j'aurai quitte le pays. Pays aux multiples facettes. A chaque fois que je commencais a me sentir confortable dans le pays, aidee par des evenements heureux comme cette famille sur la route, un evenement qui me freinait arrivait souvent en meme temps. J'essaie, j'essaie de ne pas avoir de pensees negatives pour pouvoir dire ensuite que ce pays n'est pas ce que l'on en dit... Sans avoir demande l'autorisation de camper dans un champ a l'interieur d'une propriete privee, on s'installe. Au lieu de se faire chasser comme cela aurait pu arriver dans beaucoup de pays, le proprietaire nous invite a venir chez lui. Deja installes, nous refusons. Il nous offre une douzaine d'oeufs frais! Le lendemain matin, sa femme et lui nous apportent le petit-dejeuner dans la tente. Sa femme nous invite pour le lunch. Nous refusons encore car nous devons prendre la route. La ville suivante, on se fait a nouveau inviter... Si nous avions toujours accepte, nous serions encore au pays!

Apres la traversee des montagnes arides, nous sommes passes de l'autre cote, cote humide vers la mer Caspienne. La traversee du Parc National du Golestan, une gigantesque foret, s'est combinee avec la rencontre de nombreux sangliers. Je n'en avais jamais vus et il y en avait plein! On est ensuite arrive en territoire turkmeme. Les Perses constituent la majorite ethnique de l'Iran mais, proche du Turkmenistan vivent beaucoup de Turkmenes. Il y a aussi les Kurdes vers la frontiere avec la Turquie et l'Irak. Et les Azeris, au nord-ouest, dans la region de lAzerbaidjan. Tous ces peuples sont absolument bien integres en Iran, contrairement aux pays besoins. Pas de probleme ethnique par ici. Peut-etre les Afghans sont-ils les moins bien nantis puisque ce sont eux qui font le travail que les Iraniens ne veulent pas faire. Nombreux a immigrer en Iran lorsque le gouvernement afghan etait taliban, ils sont maintenant encourages a rentrer chez eux. Bref, les Turkmenes. Ce fut notre meilleure experience en Iran. Alors que nous mangions notre lunch au bord de la route, un homme et son neveu nous invitent chez lui. Apres 3 offres et 3 refus, nous acceptons. "Vous etes ici pour rencontrer la population, n'est-ce-pas?" En effet, on ne peut pas refuser! Mansoud nous emmene chez lui et nous fait rencontrer toute la famille. Des gens en or. On mange comme des rois. Ils font des "blagues" sur Ahmadinejad mais pas trop car nous disons que nous ne pouvons pas parler politique. On ne prendra pas de risque. Ils parlent aussi de Ben Laden en faisant des blagues car ils savent que les Occidentaux les prennent pour des terroristes! Ils critiquent un peu les Perses et leur chador. Les femmes turkmenes, elles, portent des robes longues colorees et des foulards assortis. Elles portent cela dans leurs villages, lors de fetes, ou a la maison. Mais dans les lieux publics ou a l'ecole, c'est la tenue vestimentaire perse qui domine par conformite.

Les 3 filles de Ahmad, nieces de chez qui nous sommes invites, tout comme de nombreux Iraniens parlent tres bien anglais car elles suivent des cours 2 fois par semaine. Elles servent de traductrices pour la soiree. La connaissance de l'anglais nous facilite enormement le contact avec les Iraniens, d'autant plus qu'ils veulent nous parler de leur pays. Une question qui revient tout le temps: "Que pensez-vous de l'Iran?". Les Iraniens sont fiers de leur pays mais ont en meme temps un manque de confiance car ils savent ce que pense d'eux l'Occident. C'est un peuple extremement cultive et eduque qui n'aime pas etre "mis au niveau" des pays emergents . 65% des universitaires sont des femmes, mais seulement 13% d'entre elles trouvent ensuite du travail. Hommes et femmes melanges, seulement 50% des 25-29 ans trouvent du travail apres avoir gradue. Chaque annee, plus de 150 000 jeunes gradues quittent le pays pour trouver du travail correspondant a leur qualification dans des pays occidentaux. Une enorme perte de cerveaux pour le pays... Tous les Iraniens avec qui nous avons pu echanger nous ont parle d'un membre de leur famille habitant a l'etranger. Pour en revenir a l'anglais, a ma grande surprise, tout est ecrit dans les 2 langues. Tous les panneaux de circulation sont en farsi et en alphabet latin. Pour toute la nourriture qu'on achete, l'etiquette est ecrite au moins en farsi et en anglais. Enorme preuve d'ouverture je trouve. Je n'ai pas vu cela dans aucun autre pays traverse exterieur a l'Union Europeenne. L'Iran est bien plus ouvert a l'exterieur que ce que l'on peut en penser. Les Iraniens sont bien au courant de ce qui se passe a l'exterieur de chez eux.

La famille turkmene chez qui nous sommes restes une premiere nuit, Mansoud et sa femme, nous a envoyes chez un de leurs parents a Gonbad. Ahmad nous a accueilli lui aussi comme des rois. Pour me faire sentir plus confortable, il m'a dit que je n'avais pas besoin de garder mon foulard si je ne voulais pas. La journee a constitue a manger a differentes reprises. Arrives pour le lunch, nous avons eu droit a l'aperitif, soit the-bonbons-biscuits-fruits secs. Puis, le repas en tant que tel. Puis une pause et l'heure du the a nouveau accompagne de fruits. Puis nous sommes partis rencontrer la famille a la campagne. Les filles m'ont propose de m'habiller en turkmene. Libre a moi, juste pour essayer ou pour sortir ainsi. Je n'etais pas sure, je suis aussi partie avec mes vetements dans un sac. Finalement, j'etais confortable d'autant plus qu'on m'a laisse enlever mon foulard qui me glissait toujours de la tete. Sous le foulard, je portais un petit anneau, signe que je suis une femme mariee. Nous sommes d'abord alles chez la soeur de Ahmad pour le souper puis chez la soeur de la femme de Ahmad pour the-biscuits-fruits. Nous sommes sortis de ces 2 jours rassasies!!! Le lendemain matin, en plus d'un petit-dejeuner copieux, une des filles d'Ahmad nous a prepare notre pique-nique comprenant une thermos de the pour notre lunch sur la route. Ahmad a regarde ce qu'on avait dans notre sacoche de nourriture et l'a completee avec dates-noix-sachets de the-biscuits. Ils ont offert une paire de sandales a Oceanne pour lui faire un cadeau. Nous avons beaucoup parle de religion avec Ahmad tres religieux. Il m'a appris que Jesus qu'ils appellent Issa figurait dans le Coran. Pour eux, Issa n'est pas mort, c'est quelqu'un d'autre qui a ete crucifie, il a ete subtilise. J'ignorais totalement cela. Ahmad a ete un peu choque de savoir que nous buvions de l'alcool. On a essaye d'expliquer a ses filles, agees entre 14 et 18 ans et qui nous posaient des questions, le cote non negatif. Interessant ca aussi.

On a quitte l'hospitalite turkmene pour aller vers Gorgan. On en a profite pour faire une extension de visa. On ne voulait pas avoir a nous depecher de sortir du pays. Par opposition a l'obtention du visa, l'extension est tres facile a obtenir, une histoire de quelques heures. On nous a meme offert the et biscuits pour nous faire patienter dans le bureau de la police. Les Iraniens ont de façon incontestable un grand sens de l'hospitalite. Nous avons ensuite rejoint la cote de la Mer Caspienne. Un peu decevant car la route ne longe pas si souvent la mer. De plus, c'est extremement developpe, en pleine expansion. On trouve des agences immobilieres a la tonne pour vendre tous ces appartements dans des tours non terminees d'etre construites. En passant a Nowshahr, on se fait photographier, filmer faisant 3 fois le tour du rond-point de la ville, ınterviewer de facon superficielle par un journaliste du quotidien local. On visite aussi a Ramsar le palais d'ete des shahs de la dynastie Pahlavie decoree par une majorite de pieces francaises. Histoire encore recente. Interessant. Ce sont de nombreux Teheranais ayant une 2e residence sur la cote qui viennent visiter. C'est un autre type d'Iraniens. Je me sens tout d'un coup bien plus confortable sur la cote. Les hommes me parlent autant qu'a Rupert. Les femmes ont les cheveux a moitie decouverts. Le foulard tombe "par inadvertance" en arriere. On se trouve sur une plage pour manger en meme temps que tous ces Teheranais sont venus profiter d'un peu d'air frais sur ces plages jonchees de detritus qui n'ont pas l'air de les deranger. Ils fument le nargile, ecoutent de la musique plein volume, dansent meme.

En Iran, en general, les regroupements sont freines. A chaque fois qu'on attirait les gens avec nos velos, un policier arrivait assez rapidement pour voir ce qui se passait. Alors qu'une fois sur le bord de la route j'attendais Rupert qui achetait du pain, les gens sont venus autour de moi. Devenus trop nombreux, un policier m'a demande de partir. Je lui ai fait signe que j'attendais Rupert. Je ne pouvais pas partir avec les deux velos quand meme! On entend aussi tres peu de musique dans les rues, pas dans les magasins, un peu dans les places a sandwichs. La nourriture iranienne est excellente lorsqu'on est invite. Mais manger a l'exterieur est un defi. Les restos, il y en a tres peu. Ce sont surtout des faiseurs de sandwichs. Meme les hommes se regroupent tres peu a l'exterieur. On les voit derriere les vitres buvant un the ou fumant le nargile, mais pas dehors, pas sur les places, pas sur les trottoirs.

On a arrete de pedaler a Rasht puisqu'il s'agissait ensuite de traverser les montagnes pour rejoindre Tabriz. Aucune envie de grimper dans le froid et une envie de rentrer chez nous a fait que nous avons pris l'autobus jusqu'a Tabriz. Encore une fois mettre les velos dans les soutes est une affaire difficile. Ils ne savent pas faire, nous savons faire, mais ils veulent faire! Un periple fatigant, sans grand confort, qui a dure une nuit. Arrives avant le lever du jour, surpris par le froid dans cette ville, on a attendu dans le terminal d'autobus que le soleil et les gens se levent pour trouver un hotel. Puis lors de notre recherche d'hotel pas trop cher, un jeune homme en voiture s'arrete pour discuter avec nous. Nous sommes fatigues, nous n'avons pas trouve d'hotel, il nous invite chez lui, on accepte. On a pourtant oublie le principe du t'aarof qui est entierement une forme de civilite perse. Une des particularites est de laisser le droit a une personne d'offrir quelque chose par principe, pour etre au meme niveau que celui qui peut accepter ou refuser. Par exemple, un chauffeur de taxi disant de ne pas payer, ou l'epicier, ou le restaurateur offrant le repas, ou quelqu'un offrant l'hospitalite. C'est dans le jeu d'offrir et de refuser. C'est quelque chose qui s'apprend jeune. Mais en fait, quand on nous offre, il faut refuser minimum 3 fois! Si ce n'est pas une vraie offre, le chauffeur de taxi finira par accepter l'argent tout comme le restaurateur ou l'epicier. Comme pour celui qui nous offre l'hospitalite - par politesse. A nous de penser a refuser, et s'il nous veut vraiment, apres 3 fois, il nous dira toujours de venir chez lui. Cette fois-ci, avec Morteza, nous avons accepte des la 1ere fois sans penser et l'avons probablement mis dans l'embarras pour tout notre sejour chez lui!

On le suit donc jusqu'a son appartement. En fait, celui de sa famille car Morteza n'a qu'une vingtaine d'annees. Ses parents sont proprietaires d'un immeuble de plusieurs apparetements dans Tabriz. Un est vide, on peut l'occuper. Puis il realise qu'il y fait tres froid car non chauffe. Il veut ensuite nous offrir le petit-dejeuner, part pour acheter du pain, et revient finalement en nous disant qu'on va manger chez lui, chez ses parents en banlieue de Tabriz. Il emmene donc des invites a sa mere! Le t'aarof, c'est aussi se plier en quatre pour ses invites... Morteza fait son service militaire. Il est chauffeur d'un general et est donc pris tous les matins pour lui. Sa mere nous offre le dejeuner et nous offre de dormir chez eux, car l'autre appartement est trop froid. Cela change la donne. On ne sera plus tous seuls dans un appartement vide mais les invites de la mere de Morteza. Nous serons en plus a l'exterieur de Tabriz donc dependant de Morteza et de sa voiture. Que dire? On ne peut plus refuser et partir a la recherche d'un hotel. On accepte... Les prochains jours seront tres ole-ole et on se rendra compte que Morteza est un homme occupe et qu'il n'etait pas pret a nous recevoir. Une nouvelle experience. On rencontre des amis et des membres de sa famille tres sympathiques. Ici aussi on m'autorise a ne pas porter mon foulard. Certains nous parlent enormement de leur pays, de leur president qu'ils n'aiment pas. Tous les Iraniens avec qui nous avons ete capables d'echanger nous ont dit qu'Ahmadinejad etait fou. Ils nous demandent de ne pas croire tout ce qu'on dit sur leur pays. Ils disent aussi que leur gouvernement ment. On a tres peu, etonnemment quand meme, entendu de critiques sur les Ayatollahs, par respect sans doute. On discute aussi de la liberte individuelle. Ils nous disent a quel point ils ne sont jamais libres d'esprit, difficile d'avoir des amis, de leur faire confiance sans penser qu'ils peuvent faire partie secretement de la milice qui denonce. Morteza voudrait quitter le pays pour avoir l'esprit plus libre. En attendant, ils sont capables de boire de l'alcool et d'organiser des fetes. Apparemment, l'alcool arrive de Turquie. On a ete invite a une fete, mais on a refuse l'invitation pour ne pas prendre de risque encore a faire des choses illegales. Experience un peu negative dans cette rencontre, la mere de Morteza, grand-mere d'une petite fille d' 1 1/2 an a vole des vetements d'Oceanne en notre absence. Pantalons et chandail de polar pratiques pour l'hiver...

La ville de Tabriz, ville azeri, capitale de la province d'Azerbaidjan, nous a beaucoup plus, surtout son enorme bazar couvert. Apparemment le plus long du monde, 3 kms sur 2 kms, il etait deja important lors de l'Antiquite et se trouvait etre un lieu d'echange important le long de la route de la soie. On y a deambule pendant 4 jours en revenant toujours au bazar de tapis... Un nous a plu enormement, mais pour faire une histoire courte, l'homme ne voulait pas nous le vendre. On y est venu chaque jour, le dernier jour, c'est Morteza et ses amis qui ont essaye pour nous, mais rien a faire. Le plus bas prix etait 1200$ et le prix n'a jamais diminue en 4 jours. Et nous n'avions pas ce montant d'argent. Ah qu'il etait beau! Nous l'avons pris en photo avant d'aller sauter dans le train pour Van en Turquie.

Ce voyage Tabriz-Van ne constitue normalement que de 6 heures de train. Mais nous sommes partis a 22h30 et sommes arrives a 8h le matin! Train-couchette parfait. Mais non, quel voyage. En fait, on se faisait reveiller chaque 2 heures pour le passage des fontieres... Un 1er arret a minuit alors que bien sur nous dormions profondement. C'est pour quitter l'Iran. On nous fait descendre pour nous presenter aux douanes. Rupert a une migraine qui arrive. On ne peut pas remonter dans le train avant 3h du matin car les douanes inspectent le train et surtout le wagon-cargo. On repart et on se rendort. Hop, 5 heures du matin, reveil pour les douanes turques. Oceanne, cette fois, reste endormie dans mes bras. Je prend plaisir a ne pas porter mon foulard. Je suis en sol turc. Par contre, les passagers me devisagent. Les autres femmes ne se decouvrent pas, aucune n'est touriste, probablement musulmane, "Kurde-Turque" de Van. Il y a encore 2 lignes d'attente, une pour les femmes, une pour les hommes. Je me mets avec Rupert. Je suis en sol turc. Cette fois, on peut remonter dans le train tout de suite, mais il ne part pas avant 5-6h pour l'inspection du train encore. On est tous les 3 dans un compartiment avec un autre homme. Il se passe quelque chose d'etrange qu'on ne comprend qu'a moitie. Il transporte des petits blocs dans un carton qu'il vide. Il pose 3 de ces petits blocs a cote de nous sur le radiateur. Les autres, il les met dans un sac. Les douaniers fouillent son sac, pas les notres, touristes, mais ne voient pas les 3 autres blocs... Apres le passage des douaniers, il remet tout dans le carton. C'est tout! On repart et nous arrivons a Van fatigues et heureux d'etre en Turquie!

L'Iran, j'y retournerai pour m'y sentir mieux. Mais pas en velo. Pour venir visiter les lieux touristiques. Et j'essaierai de ne pas etre bronzee! Je crois que ce pays peut etre d'autant plus fantastique lorsqu'on est un homme ou on peut probablement ne rien voir, mais pas rien entendre car les Iraniens veulent nous parler, du cote special de cette societe. Ils nous ont dit que leur pays avait vu de nombreuses periodes de changement et ils pensent que c'est bientot le temps pour une autre...

Je n'ai pas pu eviter de vous ecrire un roman. Trop bavarde decidemment! Soyez conscients de votre liberte et appreciez la.

Dorothee



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