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Friday, 17 September 2010

Les Ouighours, le Xinjiang et Kaxgar

Bonjour,

Depuis Bishkek, presque deja a la fin de notre passage au Kirghizistan, je peux vous parler avec un peu de delai des Ouighours.

Les Ouighours sont originaires de Mongolie. Ils mettent fin a la domination de la dynastie Tang dans le Xinjiang au 11e et 12e siecle. C'est seulement au 14e siecle que l'Islam penetre dans la region. La presence chinoise Han ne date donc pas du 20e siecle. Je ne m'etendrai pas sur l'histoire, vous pouvez aller par exemple sur Wikipedia! Apres une 1er courte 1ere Republique du Turkestan Oriental en 1933-1934, la 2d Republique du Turkestan Oriental, satellite de l'URSS, est restee independante 5ans. Elle a ete formellement integree a la Chine en 1949 apres que ses dirigeants aient disparu dans un mysterieux accident d'avion se rendant a une reunion avec le president chinois Mao Zedong... Apres cela, le Xinjiang a servi de region d'exil durant la Revolution Culturelle et de terre pour essais nucleaires...

Depuis que la Chine exploite les ressources petrolieres du desert du Taklamakan, l'interet pour cette region s'est developpe. On encourage les Hans a migrer dans cette region. Ils ne paient pas de taxe et ont des revenus avantageux. La presence croissante des Hans engendre des tensions avec les Ouighours. Les villes que nous traversees au nord du desert sont devenues tres "Hans". Excepte Turpan et Kuqa ou il existe une vie et un quartier ouighour importants, nous avons trouve les Ouighours tres dilues dans les autres villes. Urumqi, par exmple, est une ville devenue a 75% Han. Le changement n'est pas seulement en terme de population, mais aussi en terme d'urbanisation. Les Chinois font la meme chose que ce qu'ils ont fait chez eux en supprimant les Hutongs, les vieilles petites maisons, et en les remplacant par des grandes tours d'appartements. En ville, il y a aussi toujours une grande place avec des fontaines. Les gens viennent assister au "spectacle" des fontaines qui fonctionnent seulement en fin de journee, souvent accompagnees de musique. Et puis ensuite, ce sont des grandes avenues. Mon plus grand choc a ete de voir les quartiers en demolition dans la ville de Kaxgar, ville mythique dans l'histoire de la Route de la Soie. 2 millions d'habitants ont ete expulses. La statue de Mao et la grande place font en quelque sorte la separation entre la ville han et la ville ouighoure "ancienne". Mais cette derniere devient de plus en plus han dans l'architecture. Les maisons ne sont pas renovees et tombent en ruine, pretes a etre demolies. Apparemment, un quartier va etre preserve pour y faire faire les visites touristiques.

On parle de Region Autonome du Xinjiang, mais c'est assez ironique. Les Ouighours n'ont pas la liberte de choisir sous quelle forme d'architecture leurs quartiers vont etre reconstruits. Quelqu'un m'a suggere l'idee que les Chinois construisaient des longues et larges avenues a la place des dedales de rues et ruelles qui s'entortillent car il y etait plus facile d'y controler la population. Cela elargit le champ visuel. J'ai aussi appris que les Ouighours, comme les Tibetains, n'avaient pas le droit de posseder un passeport - donc pas le droit de sortir du pays. C'est un des employes de l'auberge de jeunesse de Kaxgar, etudiant en informatique, qui m'en parlait. Il voudrait partir acquerir de l'experience a l'etranger, mais cela reste un reve. La seule facon eventuelle non garantie est de demenager dans une autre province, pas une "region autonome", d'y vivre 5 ans pour que l'adresse sur la carte d'identite soit changee et pour pouvoir ensuite demander un passeport. Apres 5 ans, on est souvent rendu a autre chose dans les etudes... Je considere cela comme une suppression de droits humains. Cela n'aide pas les Ouighours a tenir des postes professionnels hauts dans la hierarchie... Un pays comme Cuba laisse les Cubains prendre de l'experience a l'etranger. mais les force a revenir pour que leur expertise ne soit pas perdue. Les Ouighours ne peuvent meme pas faire ca. Si ils n'arrivent pas a prendre une certaine expertise, on la fait venir des Hans. C'est comme cela qu'on retrouve la majorite ouighoure devenant minorite dans les bas rangs de la societe et la minorite han devenant majorite dans les hauts rangs.

A part ca, a Kaxgar et uniquement dans cette ville, nous avons vu presque tous les soirs des camions militaires ou policiers (je ne fais pas la difference visuelle) defiler sur les grandes avenues. Comme s'ils etaient toujours prepares pour des manifestations, on les voyait assis dans les camions proteges par leurs boucliers. Surement pour impressionner... Alors que dans toutes les villes il est possible de demander une extension de un mois en Chine, ce n'est pas possible a Kaxgar, seulement si on a besoin d'un peu plus de temps pour quitter le pays, vu que c'est une ville pas loin de la frontiere avec le Pakistan, le Tadjikistan, et le Kirghizistan. Si c'est pour etendre notre periode touristique, on doit en faire la demande dans une autre ville, plus a l'est.

Exceptees les grandes villes, sur notre chemin, tous les villages sont restes presque entierement ouighours. La nourriture etait proche de celle qu'on retrouve maintenant en Asie Centrale. L'ecriture est en arabe, suite a la conversion des Ouighours a l'Islam. En 1956, l'alphabet cyrillique avait adopte puir abandonne en 1959 pour l'alphabet latin. En 1981, les autorites chinoises decident du retour a l'ecriture arabe pour satisfaire les revendications des elites musulmanes ouighoures. Il semblerait que c'est une des raisons pourquoi les Ouighours ont plus de facilite a apprendre l'anglais que les Hans. On a rencontre beaucoup plus de Ouighours que de Hans parlant anglais. La langue est proche du turc. On se trouvait dans une region ou l'on se sentait bien moins depayse que dans le reste de la Chine. D'ailleurs a Kaxgar, on trouvait des produits turcs dans les epiceries ouighoures. Rien a voir avec les epiceries hans! Les Ouighours ne sont pas soumis a la politique de natalite des Chinois. Je crois qu'il en va de meme pour toutes les regions autonomes pour la survie des minorites. Certains nous parlaient d'avoir le droit d'avoir 2, d'autres 3. d'autres 4 enfants!

On a beaucoup deambule dans les rues de Kaxgar, mais pas seulement ca. Nous sommes alles au marche des animaux du dimanche. C'est ici que se font les ventes et achats de moutons, vaches, taureaux, chevres, anes. Il y avait aussi quelques yaks qui avaient trop chaud et quelques chameaux. C'est un domaine bien sur tres masculin. Les femmes ne vendent pas et n'achetent pas d'animaux, mais sont presentes. Nous sommes ensuite alles au Grand Bazar. Je me demandais si j'allais y retrouver quelques saveurs ou quelques images d'autrefois, au temps des caravanes. Mais non, pas vraiment. C'est ici qu'on retrouve des femmes achetant des tissus pour faire faire leurs robes ou achetant le materiel d'ecole pour la rentree scolaire qui approchait. Il y avait tres peu de nourriture, petits restos de marche ou produits a vendre. Je ne sais pas si c'est tout le temps comme ca ou si c'est parce qu'on y etait pendant le Ramadan.

Question Ramadan, question religion. J'ai trouve cette ville plus musulmane que le reste vu dans le Xinjiang. J'ai vu des femmes habillees de longue robe noire couvrant leurs vetements colores en-dessous. Et elles portaient, jamais vu ailleurs, un foulard brun qu'elles posaient directement sur leur tete a leur cacher le visage - comme un enfant qui joue avec un torchon et qui se cache en-dessous. Cela leur arrive parfois de le soulever. Ces femmes sont generalement plutot agees. Puisque c'etait le Ramadan, les restos du quartier commencaient de s'activer seulement a partir de 19h. Lorsque cela nous arrivait de grignoter dans la rue, les gens pouvaient etre autant nonchalants que nous regarder avec malveillance. On a essaye par la suite de faire un peu plus attention. Peut-etre que cette ville devient moins religieuse avec le temps et la presence accrue des Hans. Il etait recommande il y a encore quelques annees d'avoir les bras et jambes couverts. Ce n'est plus le cas maintenant.

Nous n'avons pas pu nous empecher d'aller voir a quoi ressemblait la Karakorum Highway, route qui part de Kaxgar pour se rendre jusqu'a Islamabad au Pakistan. Elle passe a travers la chaine de montagnes du Pamir et nous montre des sommets de 6000-7000m. Nous n'avions pas assez de temps pour grimper en velo, nous y sommes alles en voiture. Nous sommes alles jusqu'au lac Kara-Kul a 3600m pour y passer une nuit. Il s'y trouve un village "autonome" nomade kirghize. Nous avions tout apporte pour manger et dormir, mais les Khirgizes offraient aussi l'hospitalite dans leurs yourtes. Nous y avons passe le debut de la soiree ou Oceanne a ete ravie de jouer avec un bebe. La promenade autour du lac etait bien sur magnifique. Allez voir les photos! Le lendemain, nous sommes partis jusqu'a Tashkorgan, derniere ville avant le Pakistan. C'est une ville "autonome" tadjike. On ressentait deja le melange des peuples par ici. Notre conducteur, Ouighour et non Chinois, il nous l'a repete plusieurs fois, et aussi musulman, s'est arrete plusieurs fois pour prier. Comme on ne faisait pas de pause lunch, on a pique-nique dans la voiture. Je me suis sentie inconfortable surtout quand a Tashkorgan, nous nous sommes arretes acheter des nans (pains ronds et presque plats) tout chaud tout frais et qu'on les a manges devant lui. Difficile de toujours faire attention... La Karakorum Highway, cote chinois, est vraiment tres belle, surtout quand on monte en direction du Pakistan. Quand on la redescend, on trouve le paysage beaucoup plus desertique. Elle est tres bien entretenue, pavee, meme s'il y a regulierement des glissements de terrain. La route passe parfois dans la vallee tres large, mais parfois a flanc de falaise. Les Chinois ne cimentent pas les parois et il y a donc des eboulements. La route est donc souvent bloquee, mais tres rapidement degagee. Ce fut une escapade tres agreable!

De retour a Kaxgar, de retour a l'auberge de jeunesse ou nous nous sommes retrouves jusqu'a 15 cyclotouristes. Du jamais vecu pour la plupart de nous. Kaxgar est restee pour nous ce qu'elle etait autrefois pour les caravanes de marchands, un grand carrefour et point de rencontre. Certains arrivaient du Pakistan via la Karakorum Highway, certains arrivaient du Tadjikistan via la Pamir Highway, certains du Kirghizistan, et un Japonais et nous etions les seuls a arriver de l'est de la Chine. La plupart voulait se rendre au Tibet, et avait suivi notre itineraire d'origine. Ils abandonnaient tous l'idee du Tibet en entendant parler des restrictions plus importantes. Jusqu'en 2008, les cyclotouristes etaient capables de se faufiler entre les mailles des postes de controle a l'entree du Tibet puis de demander un permis arrives a Lhasa. Les cyclotouristes se communiquaient la localisation des postes de controle pour les eviter ou pour passer tout droit. Depuis, les postes de controle sont plus severes, se deplacent, et meme a l'interieur du Tibet, des controles empechent de circuler librement. La seule facon d'y aller en velo est de se faire accompagner d'un guide en tout temps qui vous suit sur la route et vous oblige a dormir a certains endroits. C'est le cas pour toute la Chine pour tous les vehicules motorises. Ceux ne disposant pas d'un permis de conduire chinois n'ont pas le droit de circuler seuls. Nous echappons a la regle... Renoncant a l'idee d'aller au Tibet, les cyclotouristes etaient en reflexion pour la suite de leur voyage. Nous avions ete surpris de ne pas rencontrer de cyclotouristes sur la route du nord du desert dans le Xinjiang (seulement 3 en sens contraire et un Chinois allant de Lanzhou a Urumqi). Quand il y a un choix de routes, on peut comprendre, mais quand il y en a juste deux, non. Mais nous avons ensuite compris pourquoi a Kaxgar. Trouvant les distances trop grandes et peu interesses par le desert, les cyclotouristes etaient tous prets a "sauter" en avion, en train, ou en autobus cette region. Quel dommage! Ils ne connaitraient les Ouighours que par Kaxgar. Chacun sa route! Beaucoup parmi eux etaient passes par l'Iran et nous ont remis l'idee en tete d'y aller. Nous essayons donc une 3e fois la demande de visa, cette fois-ci avec l'aide d'une agence. Seulement 75% des personnes detenant un passeport d'un pays du Commonwealth ont un visa. A nous la chance?...

Apres tout ca, il etait temps pour nous de partir pour le Kirghizistan, entre autre parce que notre 3e extension chinoise touchait a sa fin, et aussi parce que cela faisait plus d'une semaine qu'on etait a Kaxgar. On en a bien profite. On s'est repose du desert comme on voulait. Oceanne etait toujours en contact avec d'autres personnes que nous et cela a ete positif pour tous les trois! Venant de l'est ou de l'ouest, pour chacun des cyclotouristes, cela faisait longtemps qu'on n'avait pas pris une si longue pause. On se comprenait tous. On avait tous besoin d'arreter de pedaler, mais apres une semaine, tout le monde parlait de repartir! Ambiance sympathique. Hostelling International dans le quartier ouighour. Je le recommande fortement!

Nous devions nous rendre a Bishkek, capitale du Kirghyzistan, pour obtenir notre visa pour l'Ouzbekistan, celui qu'on n'avait pas eu la patience de faire a Beijing. Du coup, on ne pouvait pas passer juste par le sud du pays. Il y a seulement 2 endroits pour passer de la Chine au Kirghyzistan, par le col d'Irkeshtam au sud et le col du Torugart au nord. Pour des raisons telles que "c'est le gouvernement chinois", il est interdit de circuler librement pour les non Kirghyzes et non Chinois pour le passage de la frontiere par Torugart et non par Irkhestam. Il en est de meme pour Kunjerab, col a la frontiere Chine-Pakistan. Les non Chinois et les non Pakistanais sont forces de monter dans un autobus a Tashkorgan jusqu'a la frontiere avec le Pakistan. Pour Torugart, c'est a partir du poste de controle chinois, bien avant la reelle frontiere avec le Kirghyzistan, qu'on ne peut pas circuler. Mais il n'y a pas d'autobus, on doit alors avoir affaire a une agence pour obtenir un transport prive. Parce que nous n'avions pas le temps de passer par Irkhestam (4 jours de velo depuis Kaxgar) et que nous devions vite aller a Bishkek pour les visas (nous avions decide de passer plusieurs jours a Kaxgar), nous avons opte pour Torugart. Nous nous sommes aussi dit a Kaxgar que nour irions de Bishkek a Osh en velo pour entrer ensuite en Ouzbekistan et donc que nous ne ferions pas Irkhestam-Osh-Bishkek d'abord dans l'autre sens. La Chine voulant etre sure qu'on ne reste pas au col a la frontiere, elle nous oblige aussi a monter dans un vehicule du cote kirghize jusqu'au poste de controle bien plus loin - ceci dans le sens Chine-Kirghyzistan. Dans le sens Kirghyzistan-Chine, on peut circuler librement du cote kirghize, mais on doit avoir ensuite un vehicule de l'autre cote de la frontiere du cote chinois. Tout ce "no man's land" ne nous a pas semble particulier au point d'en interdire la libre circulation aux etrangers. Mais c'est le gouvernement chinois! Peut-etre aussi est-ce mieux que cela l'etait auparavant. La Chine ouvre ses frontieres! Donc nous avons pris une jeep a partir de Kaxgar jusqu'a la frontiere. N'ayant pas le droit d'aller plus loin, une autre jeep nous attendait pour aller jusqu'a Naryn au Kirghyzistan. On a du charger nos affaires 3 fois sur le toit de la jeep, une fois a Kaxgar, une fois au 1er poste de controle car les Chinois voulaient voir le contenu de toutes nos sacoches, une fois au col a la frontiere, mais rien au poste de controle kirghyze alors qu'on apportait des choses sur leur territoire. Peut-etre les Chinois font-ils le travail a laur place? Au total, on a montre 9 fois nos passeports, 6 fois du cote chinois dont 3 fois au meme 1er poste de douane, "le vrai", et 3 fois du cote kirghyze. La route est en tres mauvais etat, en grande partie non pavee, meme du cote chinois, les "pros" des routes. Partis tot le matin de Kaxgar, nous sommes arrives en tres fin d'apres-midi a Naryn. Longue journee! Le conducteur chinois n'etait pas musulman. Nous n'avons fait aucun arret, ni repas, ni priere, seulement les arrets des postes de controle. La route en tant que telle est absolument magnifique. Ce n'est pas la chaine du Pamir que nous traversons mais celle des Tian Shan. Du cote kirghyze, les paysages, les montagnes sont toutes vertes. Un grand changement visuel tres appreciable. Au nord des Tian Shan, c'est vert, au sud, c'est sec. Au nord du Pamir, c'est sec, au sud (je n'y suis pas allee), c'est vert. Bref, en Chine, c'est sec et on l'a longuement vu! Meme si cela paraissait etrange de quitter la Chine apres presque 4 mois (je ne suis jamais restee aussi longtemps comme touriste dans un pays), on avait fini par s'habituer aux surprises que nous reservait chaque jour ce pays, on a ete tres heureux d'arriver au Kirghyzistan. On s'y est senti bien tout de suite. L'Asie Centrale telle qu'on en parle geopolitiquement s'ouvrait a nous meme si on avait commence de la decouvrir dans le Xinjiang, et specialement a Kaxgar.

Vous pouvez aller voir les photos directement sur le site de picasa:
http://picasaweb.google.ca/dorotheeetrupert

A bientot pour en savoir plus sur le Kirghyzistan que l'on s'apprete a quitter!

Dorothee

2 comments:

Anonymous said...

Salut Dorothée et Rupert
J'ai 3 photos de vous lors de votre départ de Kashgar. Je sais c'est loin, mais je n'avais pas votre e-mail et le wifi se fait rare...
J'ai retrouvé Annick et Bruno au bout du Taklamakan et a coup de bus et de vélo on parcours le monde Tibétain.
Nicolas

vostok5 said...

Merveilles de l'informatique, je rajoute moi-même mon adresse...
nicolas.maechler@laposte.net